QUEL AVENIR POUR LA DIPLOMATIE ?
S’il est loisible de condamner fermement les coups d’État militaires, il n’est pas absurde de réprouver pareillement les interventions armées étrangères qui s’emploient à rétablir l’ordre constitutionnel dans des pays présumés souverains, en l’absence notable d’un vote préalable du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies.
De quoi est-il précisément question ? Des soldatesques en treillis ont respectivement pris les commandes de la Guinée, du Mali, du Burkina Faso et du Niger, dans une parfaite illégalité, en remplaçant par la force brutale les présidents officiellement élus. Ces putschs militaires ne se distinguent guère par un caractère massivement populaire, qui serait suscité par un éveil purement révolutionnaire des consciences réfléchies.
CAS DE LA RÉPUBLIQUE DU NIGER
Il en résulte un certain confusionnisme, amplifié dans le cas de la république du Niger par la détermination de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest d’intervenir militairement pour le retour au pouvoir du président déchu. Cette décision à la mords-moi-le-nœud peut paraître partiale, car elle fait litière des autres putschistes impénitents de la même région du continent. Mais surtout, elle fait courir des dangers considérables aux innocentes populations civiles, qui risquent désespérément de tomber de Charybde en Scylla.
Quelles que soient cependant l’origine des dissentiments avérés et la cause des affrontements programmés, la paix par la diplomatie demeure invariablement l’option centrale à privilégier au détriment du bruit de bottes, dans un cortège d’irréparables malheurs aux conséquences épouvantables. En effet, la solution invitant à la concorde est susceptible de réduire les hostilités plutôt que de rompre l’anguille au genou.
De fait, il est connu mouches en lait que l’environnement international est une sorte de jungle, où les États les moins faibles imposent couramment leur volonté et où les plus vulnérables sont manifestement voués à l’échec. Et pourtant, le rapide développement des connaissances scientifiques et technologiques fournit aujourd’hui à l’humanité les moyens techniques de rendre la terre habitée plus pacifique et prospère.
DIPLOMATIE DE COLLÉGIALITÉ
Dans ces conditions lamentables, il est regrettable d’assister à la diplomatie de l’hyperhypocrisie, à géométrie variable, par laquelle les grandes puissances de la planète bleue (États-Unis, Europe, Russie, Chine) continuent de soutenir ou de tolérer des régimes dictatoriaux de paille, dès lors que ceux-ci s’avèrent complaisants aux intérêts respectifs, en adoptant les comportements identiques de domination et de prédation reprochés à leurs adversaires poursuivant parallèlement le même but.
Aussi importe-t-il désormais, à telle fin que de raison, de réformer à fond l’Organisation des Nations Unies et de réinventer la diplomatie de collégialité autour d’une ingénierie multilatérale bâtie sur de véritables logiques paritaires de prévention des conflits armés, de développement socio-économique des nations et de sécurité renforcée des peuples.
Cette diplomatie à réinventer deviendrait alors, autant que faire se peut, un outil mondialisé et désidéologisé, malaisément domptable par un petit nombre d’États hégémoniques qui font la pluie et le beau temps, ne voyant midi qu’à leur porte. En somme, il s’agirait d’un nouvel instrument politique des gouvernements, destiné à se transformer, de fil en aiguille, en vecteur plus égalitaire de règles internationales.
Par le Professeur Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne
Pour Mediapart du 6 AOÛT 2023