Y AURAIT-IL UNE CARTE GÉOGRAPHIQUE IDÉALE ?
La projection cartographique de la surface de la planète, recouverte d’eaux et d’espaces émergés, est ancienne. Attribuée à l’origine au géographe flamand Gérard Mercator (1512-1594), elle présente la particularité de placer l’Europe au centre du globe terrestre, en maximisant sa taille au détriment de la dimension réduite d’autres continents.
Cette conception eurocentrée du monde s’emploie certes à conserver les formes physiques des continents, mais déforme fatalement leurs surfaces respectives. Il y a cependant d’autres projections, à l’instar de celle du cartographe allemand Arno Peters (1916-2002), qui, en revanche, tente de conserver les surfaces, mais néglige en parallèle les distances, entraînant à son tour des déformations sensibles des continents comme l’Afrique.
DISSEMBLANCES CARTOGRAPHIQUES
De fait, le cœur du problème est l’impossibilité de représenter avec une fidélité métrique la boule de la planète bleue, qui n’est ni idéalement ronde, ni entièrement plate. En effet, le globe terrestre, dans lequel vivent notamment les êtres humains et les espèces animales, n’est pas scientifiquement une sphère parfaite, nonobstant sa rondeur apparente sur les photographies. Il est légèrement aplati aux pôles, avec une forme ellipsoïdale, en raison de la force exercée par sa rotation sur lui-même.
C’est de là que surgissent la plupart des dissemblances cartographiques. Par exemple, l’observation en perspective de la forme que prend un cercle est comparable à une ellipse, dont la distance entre le centre et les points de sa surface n’est pas égale. Par surcroît, il s’avère que « la Terre est plus épaisse dans sa largeur au niveau de l’équateur » (Scientific American, 12/04/2007), marquant la séparation entre les hémisphères nord et sud.
INTÉGRITÉ IMPARFAITE ET DISCUTABLE
L’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) en déduit que la Terre n’est pas une ellipse invariable ou constante, mais un « ellipsoïde de forme irrégulière », avec d’inévitables « montagnes qui culminent à neuf kilomètres et des fosses océaniques qui se trouvent à onze kilomètres par rapport au niveau de la mer » (NOAA, 15/11/2022), déformant ainsi davantage la troisième planète du système solaire.
Ces déformations subtiles signifient-elles pour autant un rétrécissement ou un agrandissement de la taille physique des continents du globe ? Que nenni ! Toute projection cartographique est différente, non seulement par référence aux considérations géologiques et géodésiques qui la sous-tendent, mais également en fonction de l’optique adoptée par les auteurs qui la réalisent. Alors, quelle est la carte géographique idéale pour la planète ? En réalité, elle n’existe pas ! Aucune représentation de la surface terrestre n’est à l’abri d’une intégrité imparfaite et discutable.
CONTINENT AFRICAIN
S’agissant précisément du continent africain, il est trois fois plus grand que l’Europe (10,5 millions de km2 jusqu’à l’Oural), deux fois plus vaste que la Russie (17,1 millions de km2) et quinze fois plus étendu que le Groenland (2,2 millions de km2). Il occupe le deuxième rang mondial sur la base du nombre d’habitants (1,4 milliard), derrière l’Asie (4,7 milliards), et le troisième rang par sa surface (30,4 millions de km2), après l’Asie (44,6 millions de km2) et l’Amérique continentale (42,6 millions de km2).
L’Alkebulan (nom présumé originel de l’Afrique) peut éventuellement être considéré comme le biblique « Jardin d’Éden » ou l’historique « Berceau de l’humanité ». Il lui reste toutefois à se distinguer de façon autrement glorieuse sur le plan socio-économique. En marge de cette trame non moins significative, il ne semble pas d’une importance absolue ou d’un intérêt inconditionnel que le continent africain soit de dimension plus grande ou plus petite dans les représentations cartographiques.
Pr Alain BOUTAT
MEDIAPART
DIM. 1 OCT. 2023
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne