HYPERTENSION ARTÉRIELLE : LE MEURTRIER DISCRET
L’hypertension artérielle est une maladie fréquente, qui se caractérise par une haute pression atypique du sang sur la paroi des artères. Alors que les symptômes de cette maladie chronique sont ténus, en l’absence d’une observation clinique de la variation tensionnelle, la guérison définitive est hors de portée à partir des thérapies existantes.
Malgré son attribut asymptomatique de meurtrier discret, l’hypertension artérielle peut livrer des signes subjectifs et sournois de fatigue physique, de vertige passager, de saignement nasal ou de paresthésie exprimable par un fourmillement dans les jambes, les mains ou les pieds. En état d’effort physique ou de stress, il est usuel que la tension artérielle monte. Or, pour les hypertendus, elle est maintenue haute, même lorsque les individus concernés sont au repos ou n’éprouvent aucun stress. Il en résulte, à terme, des facteurs majeurs de risque de morbidité en rapport clinique significatif avec des pathologies sévères : maladies cardio-vasculaires, altérations des fonctions rénales, lésions rétiniennes, etc.
MULTITUDE DE FACTEURS
Toutefois, il n’y a pas une seule forme d’hypertension artérielle, ni une manière unique de la représenter en épidémiologie, les états de morbidité étant si complexes et si variés qu’ils échappent aux taxinomies faciles de l’esprit. Nonobstant, on distingue au minimum l’hypertension primaire qui regroupe environ 90% des cas et l’hypertension secondaire qui affecte le reste des personnes souffrant de cette maladie silencieuse (1).
L’hypertension primaire est causée par une multitude de facteurs dont les effets s’ajoutent au fil du temps, en particulier l’hérédité familiale, l’âge élevé des sujets vulnérables (même si la jeunesse est aussi touchée) et les habitudes de vie. Tandis que l’hypertension secondaire est due à d’autres problèmes de santé, tels les affections rénales, les troubles endocriniens ou les anomalies congénitales de l’aorte qui distribue le sang, enrichi en oxygène par les poumons, à l’ensemble des organes du corps humain.
EFFECTIF CONSIDÉRABLE DE PATIENTS
Le nombre prévu d’hypertendus dans le monde est estimé à 1,6 milliard d’individus pour l’année 2025, avec une augmentation de la prévalence de l’ordre de 60% (2). La prise en charge attendue s’avère problématique face à l’effectif considérable de patients potentiels, qui peuvent d’ailleurs souffrir de comorbidités, avec ou sans causalité établie, comme l’obésité, le diabète, l’alcoolisme, le tabagisme, les troubles cardiaques, l’addiction à certains médicaments toxiques ou à des substances psychoactives.
Faute de thérapies susceptibles de guérir irrémédiablement la haute tension artérielle, les soins préventifs et palliatifs prodigués n’ont pour finalité que de réduire la pression sanguine et d’éviter d’éventuels soucis aux organes physiologiques (cœur, cerveau, reins, yeux). Dans ce cadre clinique, c’est l’état de santé global de la personne hypertendue qui doit être examiné, avant de déterminer les solutions les plus adéquates.
MÉDICAMENTS HYPOTENSEURS
Parmi moult approches soignantes parfois complémentaires (3), à base de plantes végétales ou d’activités physiques, le traitement médical consiste essentiellement en médicaments hypotenseurs, à l’instar des bloqueurs antagonistes des récepteurs de l’angiotensine, des diurétiques, des bêta-bloquants ou des inhibiteurs calciques. De fait, le recours rigoureux et pré-évalué aux antihypertenseurs est de plus en plus sollicité (4).
Le traitement dépend principalement de la pression artérielle elle-même. Il ne fait aucun doute aujourd’hui que la thérapie réduit favorablement l’incidence des complications cardiovasculaires et rénales. Par exemple, le fait de subir, de manière répétée, une pression systolique supérieure ou égale à 140 millimètres de mercure (mmHg) et une pression diastolique de plus de 90 mmHg (140/90 mmHg), est souvent associé à un risque cardiovasculaire accru et nécessite un traitement antihypertenseur pour ramener les valeurs tensionnelles observées sous un seuil raisonnable.
MÉDICAMENTS ANTICOAGULANTS
Selon la Société Européenne et Internationale d’Hypertension Artérielle, les antihypertenseurs peuvent aussi être administrés en prévention secondaire aux patients présentant à la fois une pression anormale du sang supérieure ou égale à 130/80 mmHg et une insuffisance rénale ou un diabète sucré (5). Il y a lieu de noter que l’Organisation mondiale de la santé retient le seuil de 140/90 mmHg, qui est censé servir de norme à tous les pays pour l’indication des hypotenseurs (6). Il est néanmoins indispensable d’en surveiller les rares effets indésirables graves, tels que l’hypotension orthostatique, l’œdème angioneurotique, l’hypoglycémie diabétique, le trouble de conduction ou l’insuffisance cardiaque.
Enfin, les médicaments anticoagulants ne sont pas exclus. Il s’agit de produits chimiques fluidifiants du sang, injectables ou oraux, ayant pour rôle d’inhiber la coagulabilité du liquide hématique. Ils constituent un traitement virtuellement dangereux, qui est proposé pour prévenir la formation d’un caillot sanguin (thrombose) et éviter qu’il ne migre dans les vaisseaux des poumons (embolie pulmonaire) ou du cerveau (embolie cérébrale). Il importe cependant de veiller aux risques de surdosage et d’hémorragie. Encore faut-il signaler que les patients présentant une fibrillation auriculaire, peuvent être victimes de récurrents accidents vasculaires cérébraux (AVC), malgré la prise suivie d’anticoagulants.
Par le Professeur Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne
Pour MEDIAPART VEN. 13 OCT. 2023
(1) Jacques Allard. « Hypertension artérielle », PasseportSanté, 13 décembre 2021.
(2) Chockalingam A, Campbell NR, Fodor JG, Can J Cardiol. « Worldwide epidemic of hypertension », 2006 May 15.
(3) Chobanian AV, Bakris GL et al. The Seventh Report of the Joint National Committee on Prevention, Detection, Evaluation and Treatment of High Blood Pressure : The JNC 7 Report, JAMA, 2003 May 21.
(4) Unger T, Borghi C, Charchar F et al. Global Hypertension Practice Guidelines, International Society of Hypertension, 2020.
(5) ESH. Recommandations 2023 pour la prise en charge de l’HTA, 31 juillet 2023.
(6) OMS. Global report on hypertension : the race against a silent killer, 2023 September 19.