LA GOUTTE

Due à un excès d’acide urique dans le sang, la goutte se manifeste par une crise d’arthrite aiguë qu’on appelle crise de goutte. Elle est due à la précipitation dans l’articulation ou dans les tissus de cristaux d’acide urique. Pour la soigner, il faut mettre en place un traitement symptomatique et un traitement de fond.

La goutte, qu’est-ce que c’est ?

La goutte primitive est due à un excès d’acide urique1, une substance naturellement présente dans le sang : on parle d’hyperuricémie2.

Elle se manifeste par une crise d’arthrite aiguë très douloureuse appelée crise de la goutte qui se caractérise par des dépôts de cristaux d’urate qui logent dans des zones sous-cutanées (tophi) et par une atteinte rénale.

Causes et facteurs de risque de la goutte

Cet excès d’acide urique dans le sang peut être dû :

A un excès de production à partir du métabolisme des protides ;

A un défaut d’élimination urinaire ;

Ou à ces deux causes associées.

Le médecin identifie plusieurs causes à ce phénomène.

Hérédité

Dans la goutte primitive, on trouve assez souvent un facteur familial, génétique1, provoquant des troubles enzymatiques au niveau du métabolisme des purines, une famille de molécules dérivé d’une molécule d’azote.

Conséquence : les reins peinent à éliminer l’acide urique et celui-ci est davantage présent dans le sang.

Dans la grande majorité des cas, la goutte est une maladie masculine, la crise survenant en moyenne dans la cinquantaine3.

Chez la femme, la goutte n’apparaît qu’après la ménopause.

Alimentation

L’augmentation du taux d’acide urique dans le sang peut être favorisée par une alimentation trop riche en produits animales4 (abats, charcuteries, viandes séchées, bouillon de viande, sardine, anchois…) qui entraîne un apport important en purines.

D’autres facteurs liés au mode de vie comme la sédentarité, l’obésité mais surtout l’alcoolisme jouent un rôle favorisant évident.

Les symptômes de la goutte

La crise de goutte aiguë

L’accès douloureux est dû à la précipitation dans l’articulation ou dans les tissus de cristaux d’acide urique.

Souvent, le patient se plaint de signes précurseurs la veille :

Fatigue; Etat pseudo-grippal ;Céphalées.

Lorsque la crise apparaît, elle se manifeste par des douleurs au niveau des articulations des membres inférieurs5 :

L’un des gros orteils : dans 56 à 78% des cas dès la première crise1.

Des pieds ; Des chevilles ;Des articulations

L’articulation est enflammée : rouge, chaude, augmentée de volume, très douloureuse, elle empêche le patient de dormir. Le malade a l’impression d’avoir son pied pris dans un piège à loup (classique « podagre »). La douleur est atroce.

Une fièvre à 38°C, des sueurs, une agitation sont associées.

La crise aiguë survient brutalement en pleine nuit chez un homme jeune. Chez la plupart des patients, elle dure une à deux semaines. Sans traitement, une seconde crise peut survenir.

Une cause déclenchante est quelquefois trouvée :

Microtraumatisme local (marche, randonnée à pied inhabituelle) ;Fatigue ;Dîner bien arrosé (excès d’alcool) ;Intervention chirurgicale, etc.

Au petit matin, la crise se calme. La répétition des crises chaque nuit constitue l’accès de goutte. L’intervalle entre les crises est indemne de tout symptôme.

Les crises sont espacées au début, puis de moins en moins.

La goutte chronique

Les articulations finissent par se déformer : les arthropathies uratiques sont dues à la présence de tophi dans les gaines synoviales. Mains, pieds, chevilles et genoux sont les plus atteints.

Evolution de la goutte

Les reins sont touchés dans 10 à 30 % des cas. Les crises de coliques néphrétiques sont dues aux calculs d’urates (lithiase rénale). Les dépôts d’acide urique dans les reins peuvent conduire à une néphropathie interstitielle évoluant vers l’insuffisance rénale et l’hypertension artérielle.

Le diagnostic de la goutte

La radiologie n’est pas très utile car la goutte aiguë ne possède pas de signes radiologiques propres.

Les examens biologiques effectués par le médecin sont plus intéressants.

Traitement de la crise aiguë de goutte

Est préconisé :

Le repos au lit avec un arceau afin d’éviter le poids des draps sur l’articulation douloureuse ;

La cure de diurèse supérieure à 2 litres/jour de boissons ;

La suppression formelle des boissons alcoolisées (vins et bière) ;

La ration calorique suffisante de 2000 calories à prédominance glucidique ;

La colchicine : 3 mg le premier jour (3 comprimés à 1 mg à 3 heures d’intervalle chacun), 2 mg le 2e jour puis 1 mg/j les jours suivants.

Le médecin peut également prescrire des médicaments comme des anti-inflammatoires non stéroïdiens : Profénid, Indocid…

Bon à savoir : le traitement prévient les crises de goutte mais aussi les récidives et les complications. La maladie nécessite donc une prise en charge à vie ; c’est pourquoi un suivi médical régulier est nécessaire.

Traitement de fond et alimentation en cas de goutte

Un traitement de fond de la maladie est indiqué en cas de crises de goutte répétées, de goutte chronique (présence de tophi, arthropathies, complications rénales) ou d’hyperuricémie au long cours. Ce traitement ne doit pas être commencé moins d’un mois après un accès goutteux. Il est définitif et ne doit jamais être interrompu.

Sont recommandés, toujours sur les conseils d’un médecin spécialiste des articulations :

Cure d’amaigrissement progressive pour les obèses (l’alimentation doit être hypolipidique, hypocalorique) ;

Cure de diurèse : boire plus de 2 litres/jour (eau bicarbonatée de Vichy et eau non gazeuse : Evian, Vittel, Contrexeville, thés, tisanes) afin d’éliminer beaucoup. En cas de transpiration (chaleur, activité physique), il faut boire davantage. L’eau de Vichy, le bicarbonate de soude sont donc recommandés en quantités précises (sauf en cas d’hypertension artérielle ou d’insuffisance cardiaque). Les jus d’agrumes (citrons, oranges pressés), les sachets de citrate peuvent également convenir. Le contrôle de l’acidité des urines se réalise à l’aide de papier réactif au pH dans les urines fraîches. Le pH doit être entre 6,5 et 7 ;

Le régime doit supprimer les aliments suivants :

Abats (ris de veau, foie, rognons, tripes, tête de veau, langue) ;Sardines, anchois, harengs, oeufs de poissons et laitance ;Extraits de viandes (bouillon, jus, gelée) ;Charcuteries, gibier ;Viandes jeunes (veau, coquelet, dindonneau) ;Cervelle ;Champignons ;Fromages très fermentés ;Mayonnaise, crème, sauce grasse ;Fritures, chocolat, cacao ;Vins de Bourgogne, Champagne.

Le régime doit limiter les aliments suivants :

Viandes, poissons (100 g/j), crustacés, coquillages ; Légumes secs (petits pois, lentilles), épinards ;

Oeufs, lait et produits laitiers.

Le régime autorise les produits suivants :

Jambon, poulet, poisson : une fois par jour six jours par semaine ;

Les médicaments.

Lorsque la goutte est due à un excès de fabrication d’acide urique, on utilise l’allopurinol . La colchicine est associée à ce traitement en cas de risque d’accès de goutte aiguë : 1 comprimé/jour. En 2011, l’Agence du médicament avait alerté les médecins sur les possibles risques d’interaction de ce médicament avec certains antibiotiques.

Lorsque la goutte est due à un défaut d’élimination rénale on prescrit un uricosurique, à condition qu’il n’existe pas d’insuffisance rénale et sous couvert de traitement par la colchicine.

Le patient doit bien faire la différence entre les deux axes du traitement médicamenteux. Le but de la colchicine est de prévenir les récidives inflammatoires mais elle n’empêche pas les arthropathies uratiques ni les complications rénales. Elle ne fait pas non plus baisser l’uricémie. Les autres produits ont pour but de faire baisser le taux d’acide urique dans le sang mais n’ont pas d’efficacité contre les douleurs articulaires. Toute intervention chirurgicale chez un goutteux doit être encadrée par un traitement anti-inflammatoire préventif : colchicine ou indométacine. Tout traumatisme peut déclencher une crise aiguë ainsi que tout jeûne complet.*

Le traitement des gouttes secondaires (hémopathies malignes soumises aux traitements cytolytiques) est préventif et repose sur l’allopurinol.

Goutte : quel pronostic ?

Les crises de goutte ne sont jamais anodines. Elles s’accompagnent souvent de comorbidités rénales, métaboliques (excès de graisse à l’intérieur du ventre) et cardiovasculaires (accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde…) qui aggravent le pronostic et donc la mortalité.

Dr Jacqueline Rossant-Lumbroso

Médecin généraliste

Dr Lyonel Rossant

Pédiatre

Jesus Cardenas

Médecin, ancien directeur médical

Sources :

1 – La goutte : un rhumatisme inflammatoire, Association Française de Lutte Antirhumatismale, 2015 (disponible en ligne).

2 – Marie-Pascale Manet, La goutte, fiche d’informations du Groupe Hospitalier Diaconesses Croix Saint Simon, 2015 (disponible en ligne).

3 – N. Lauwrence Edwards, Goutte, Manuel MSD, 2018 (disponible en ligne).

4 – Acide urique en excès et crise de « goutte », Fiche de recommandations alimentaires, Club de réflexion des Cabinets et Groupes d’Hépato-Gastroentérologie, 2009 (disponible en ligne).

5 – S. Revaz et J. Dudler, Manifestations cliniques de la goutte, Revue Médicale Suisse, 2007 (disponible en ligne).

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