HET 2/5, Humanité – Espace – Temps
« Que signifie « mille ans », ou « hier » ? Que signifie « près » ou « lointain » ? Celui qui se tient calmement au centre de lui-même, comprend l’illusion du temps, ses jeux d’ombre, sa fantasmagorie. La ruse du temps consiste à nous faire croire qu’il s’échappe, alors qu’il revient sans cesse et ne quitte jamais le cercle. » Sagesse Amérindienne
J’ai pris le temps de regarder ce monde s’emballer entre-temps, dans tant de divertissements que parfois, j’ai du mal à panser mes pensées.
Allez toujours plus vite, vers la guerre, la joie, l’amour, le spirituel. Quoiqu’on aborde, un seul mot d’ordre : vite ! Mais où allons-nous aussi vite ?
Une course sans lignes d’arrivées. Nous courons vers cette vitesse inaccessible en diffusant tout et n’importe quoi, pourvu que le nombre de vues soit bon. Nous courons vers cette sensation gratifiante d’avoir su avant les autres ce que ce monde nous apporte de la loterie de nos actions. Je dis bien loterie, car qu’est-ce donc d’autre que ce falbala à profusion d’illusions séduisantes floutant notre vision sur les réalités de notre humanité. Nous courons vers ce mouvement de sources multiples sans prendre le temps de regarder ce qui l’anime. Nous courons avec nos outils qui nous font gagner du temps, ce fameux temps, ce précieux temps, que nous chérissons tant. Nous usons abusons de solutions expérimentales, pensant que l’ère de la transformation sociale et économique est en marche. Révolution ! Industrielle, scientifique, matérielle, technologique. Révolution de notre manière de vivre le temps, seul, connecté aux autres seuls, partageant des news fraichement rassis balayées par des actualités déjà vieilles à peine publiées.
Nous courons assis devant nos écrans, scrollant l’espace de nos actions, de nos vies, à l’affût de fraicheurs à partager.
Mais nous avons pris le temps au préalable, de pratiquer nos exercices de respirations, d’étirements élastiques, en tenues appropriées, en ayant pris le temps de nous apprêter dans la mise en scène que nous allons diffuser chaque jour pour montrer aux autres comment prendre le temps de se faire du bien. Montage, cadrage, éclairage, plans multiples ou focus, tout y passe en moins d’une minute dans nos réels de bien-être, de méditation, de yoga et bien d’autres.
Je me demande bien comment nous pensons ce bien-être qui se rapporte au nombre de followers. Je me demande si la notion même de stress n’est pas à revoir. J’ai l’impression même, que prendre le temps de faire une vidéo devient stressant pour nos collaborateurs. Pire encore, prendre le temps de regarder une vidéo longue, qui dépasse une minute, devient stressant. Cependant, il faut admettre que nos outils qui nous permettent de gagner du temps si précieux à nos yeux, sont paramétrés pour ce temps, dans le seul but de nous permettre de gagner du temps pour faire autre chose. Cette autre chose qu’on nous dit propice à notre épanouissement, ou, comme j’aime à le dire, qui nous est « injoncté » de faire, de réussir : se renouveler !
Car, bien entendu, si nous ne faisons plus cela, nous devons maintenant faire autre chose qui serait cette chose soi-disant réservée à l’humain qui évolue avec son temps, sinon nous serions encore dans les cavernes. Cavernes qui sont aujourd’hui plus précieuses que nos propres demeures dont nous devenons des locataires au fil du temps des lois votées pour améliorer nos vies. Cavernes qui font l’objet de plus d’attention que nos enfants illettrés, affamés, délaissés (oups ! nos enfants qui accèdent à leur droit à l’autonomie de leurs décisions, mais pas de leurs financements…). Cavernes bien plus visitées en famille que nos EHPAD. Et pourtant cavernes archaïques, du passé, celui dont nous nous sommes émancipés en nous renouvelant sans cesse.
Je me demande si la caverne de nos pensées renouvelées ne nous a pas enfermés dans une réalité augmentée, assis au fond de nos confortables séants, installés au fond du puits de nos évolutions au-dessus duquel planent nos révolutions sociales cycliques, séculaires et permanentes ponctuées de passages aux forceps de nos guerres.
Goodÿ – Gilles EUGENE, Artiste auteur – 05/11/2023
Nous courrons vers tant de bien être, que nous oublions simplement d’être.
Goodÿ – mai 2020
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