VARIOLE DU SINGE : UN TINTAMARRE MÉDIATIQUE EXAGÉRÉ
Depuis le mois de mai 2022, une recrudescence de la variole du singe est observée parmi les patients ne provenant pas des territoires à risque endémique. Le virus de l’orthopoxvirose simienne qui en est l’agent causal, appartient à la famille des Poxviridés et peut se transmettre autrement que par un singe fortuitement hôte.
L’occurrence humaine de l’orthopoxvirose simienne a été initialement identifiée en 1970, en République démocratique du Congo. Par la suite, des infections épisodiques ou sporadiques ont été confirmées dans d’autres pays africains, entraînant fatalement des exportations de cas, par exemple, au Moyen-Orient (2018), en Asie du Sud-Est (2019), en Amérique latine (2020), aux États-Unis (2021) et en Europe (2022).
CONTAMINATIONS ET SYMPTÔMES
Le virus de la variole du singe est transmissible d’un « animal inférieur » (primate, rongeur) à l’homme sain et de l’homme infecté aux cas-contacts, consacrant ainsi la majorité des contaminations avérées, à travers notamment des rapports sexuels, des sécrétions de voies respiratoires, des bribes de sang souillé et des partages de linges de maison. De fait, la circulation interhumaine du virus s’effectue par le canal de la contiguïté directe avec la peau et les muqueuses.
Les signes précurseurs d’infection virale et de morbidité y afférente peuvent se caractériser par l’augmentation de la fièvre, l’extension des douleurs musculaires et dorsales, la multiplication des céphalées ou maux de tête, l’inflammation des ganglions, la manifestation de la fatigue physique et l’éruption cutanée avec des macules, des papules, des vésicules, des pustules ou des lésions érythémato-squameuses.
Après une période d’incubation inférieure à trois semaines et l’apparition des premiers symptômes de la maladie, la pathologie bénigne décline progressivement sans conséquence tragique à long terme, ni interruption dramatique à court terme. Les rares complications constatées du « monkeypox » concernent principalement les infections bactériennes secondaires comme la pneumonie, la septicémie, l’encéphalite ou l’irritation de la cornée. Le tintamarre médiatique actuel autour d’effets critiques semble donc exagéré.
En principe, l’approfondissement du diagnostic médical de l’orthopoxvirose simienne s’obtient en laboratoire après un examen « Polymerase Chain reaction » (PCR), permettant de mettre précisément en exergue le matériel génétique du virus, plutôt proche de celui de la petite vérole particulièrement remarquable par ses éruptions vésiculo-pustuleuses et sa contagiosité hautement épidémique.
DÉPISTAGE ET ISOLEMENT
La prophylaxie ordinaire des cas-contacts est nécessaire par les vaccins de troisième génération contre la variole humaine classique. Ces vaccins offrent une immunité croisée avec la variole du singe et conservent les propriétés des précédentes générations, sans être réplicatifs dans l’organisme. Pour freiner la diffusion du virus, leur efficacité est estimée à 85% par l’Organisation mondiale de la santé.
En effet, selon Brigitte Autran, professeure émérite d’immunologie à la faculté de médecine de Sorbonne à Paris, les virus de la petite virole et de la variole du singe « font partie des orthopoxvirus, une même famille qui regroupe aussi la vaccine bovine […]. Ils sont extrêmement voisins sur le plan génétique, ce qui explique l’efficacité de la vaccination avec ce qu’on peut décrire comme un cousin germain ».
Sachant que la variole du singe, quoique d’origine virale (virus ADN), peut s’éteindre spontanément dans le temps, la prise en charge à visée thérapeutique est essentiellement symptomatique à l’aide de médicaments analgésiques ou antalgiques. Et, dans les cas graves, le traitement administrable est antibiotique ou antiviral.
Compte tenu de l’état des connaissances et des ignorances du moment, les études épidémiologiques existantes confirment que la propagation de la variole du singe est maîtrisable, à condition de procéder au dépistage préventif des cas-contacts et à l’isolement spécifique des individus contaminés pour briser la chaîne de transmission du virus.
Par le Professeur Alain Boutat
Épidémiologiste,
Économiste et Politiste
Lausanne
MEDIAPART – PARIS
11 JUIN 2022