ROSE BOMBO OU LE DESTIN D’UNE PREMIERE MAIN QUALIFIEE EN HAUTE COUTURE…

Propos recueillis par KINJE MBOUI

L’étincelant fourreau blanc Dior traversé de perles arboré par Céline Dion lors sa majestueuse interprétation de  » L’Hymne à l’amour  » d’Edith Piaf clôturant la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques Paris 2024 a été salué aussi bien par les médias internationaux les plus élitistes que par d’innombrables et prestigieuses maisons de couture. Manifeste moment de félicité auquel a pris part l’une des plus talentueuses modélistes de Haute Couture de Paris et de Londres ; en en assurant partiellement la réalisation, la camerounaise Rose Bombo.

GLANCE MAGAZINE : Dior et Céline Dion, une longue histoire. Une histoire d’amour on pourrait dire tant elle s’est toujours parée des créations de cette illustre maison de Haute couture tout le long de sa riche carrière. Arrivée la veille de l’ouverture de ces Jeux Olympiques. Pouvez-vous nous en parler ?

Rose BOMBO : Ce modèle m’a été attribué par mon chef ; donc même si j’ai eu de l’aide par moment c’était sous ma responsabilité. Céline DION est arrivée quelques jours avant et non la veille, puisqu’elle avait des essayages à faire avant le jour de la cérémonie.

Je ne l’ai pas rencontré personnellement, ce sont mes responsables qui vont aux rendez-vous avec les VIP pour la prise de mesures et les essayages ; mon travail chez Dior se limite à l’atelier.

Je ne saurai donc vous parler de son arrivée en France ni de son séjour.

GLANCE MAGAZINE Créé à partir d’un croquis de Maria Grazia Chiuri, vous êtes l’une des modélistes réputées de la maison Dior, travaillant depuis plusieurs années au sein d’une équipe de professionnelles sur les collections saisonnières.

La tâche délicate et minutieuse de réaliser une robe ornée de perles brodées et de franges aériennes vous a été confiée, en collaboration avec une autre modéliste, sous la supervision du chef d’atelier, souvent cité dans les médias pour cette pièce exceptionnelle, probablement unique.

Comment appréhendez-vous une telle mission, Rose Bombo ?

Quelle est votre approche mentale lorsque vous savez que ce vêtement est destiné à une artiste de renom ? Comment organisez-vous les différentes tâches nécessaires à sa réalisation et comment travaillez-vous, tant individuellement qu’en équipe, pour assurer un déroulement harmonieux et efficace de cette confection précieuse ?

Rose BOMBO : Maria Grazia vous vous dites officie pour Dior comme moi je ne pense pas qu’on devait dire les choses comme ça. Elle, c’est la Big Boss et moi une exécutante ; donc pas de comparaison. Elle est Directeur Artistique, c’est une grande créatrice et en contrat fixe à son poste.

C’est différent de moi qui suis intérimaire même si je travaille là-bas presque toute l’année durant.

Je ne suis pas au poste de modéliste chez Dior et je n’ai pas travaillé dans un binôme avec un autre modéliste ; non ce n’est pas cela. Dans un atelier de Haute Couture il y’a le chef d’atelier, les seconds d’atelier, les premières mains qualifiés, les premières mains, les secondes mains, les finisseurs ou finisseuses, les brodeurs ou brodeuses et parfois des coupeurs.

Les postes de modélistes étant très peu nombreux dans les maisons de couture, certains modélistes malgré leurs fonctions et leurs diplômes de fin d’études acceptent le poste de première main qui avec des années d’expérience, devient première main qualifiée.

Le salaire de ce poste peut parfois équivaloir à celui d’un modéliste selon les entreprises mais ça ne change pas le poste de chacun.

Chez Dior donc, j’occupe le poste de première main qualifiée, la réalisation de la robe ne m’a pas été attribuée en binôme mais elle m’a tout simplement été attribuée, et ce n’est pas le seul modèle qui se travaillait chez nous à ce moment-là à l’atelier ; donc tous mes collègues étaient occupés chacun par un modèle, mais nous recevions de l’aide par moment selon les cas.

Quand un ou une collègue est en attente parce que son modèle est allé en essayage, au lieu de se croiser les bras ils viennent aider la personne qui en a besoin.

C’est pour cela que par moment je travaille avec d’autres collègues, mais quand leurs modèles reviennent ils me quittent aussitôt pour reprendre le travail sur leurs modèles respectifs et vice versa. Dans la même période j’ai aussi eu à aider d’autres collègues sur leurs modèles pendant que ma robe était en essayage, mais cela ne fait pas de moi un binôme dans leurs modèles.

Voilà comment ça se passe, par contre le chef passe sur tous les modèles pour vérifier que tout se passe bien et de temps en temps peut apporter quelques modifications ou retouche sur les modèles.

Il est donc clair que nous travaillons en équipe dans le sens où la solidarité permet à chacun de proposer son coup de main à l’autre quand le besoin se fait sentir. Comment appréhender une telle mission ?

Tout naturellement. Il est vrai que ça stresse mais on essaye de rester confiant, concentré et très lucide, important pour la réussite de la tâche.

Il est vrai que savoir que l’on travaille sur la robe de Céline Dion augmente le stress mais il faut essayer de relativiser, et s’organiser en conséquence

Il en est de même pour tous les autres modèles sur lesquels nous travaillons d’habitude puisque c’est dans cet atelier que sont confectionnés les modèles VIP. Du coup nous avons un peu l’habitude de travailler sur les robes des stars.

GLANCE MAGAZINE  Les clientes, souvent exigeantes en raison de la qualité exceptionnelle de ces créations, peuvent-elles être décrites ; de manière générale en ce qui concerne le temps nécessaire à la confection, aux essayages et aux retouches, même pour les détails les plus subtils de ces robes extraordinaires, comme celle portée par Céline Dion le 27 juillet dernier ?

Il est important de considérer les appréhensions liées à l’échec et le découragement qui peuvent survenir face à un détail négligé ou à un raccord imprévu nécessitant la collaboration des brodeuses ou d’autres artisans.

Ces défis peuvent susciter des doutes sur ses propres compétences, en particulier en raison de la complexité des croquis des créateurs.

De plus, la fatigue engendrée par des horaires imprévisibles peut également peser lourdement, surtout pour des robes destinées à être portées lors d’événements mondiaux par des personnalités de premier plan.

Rose BOMBO: Une robe en Haute Couture se confectionne en environ 260h, et il n’y a jamais de crainte de l’échec, nous ne le prévoyons pas. Le stress oui mais pas la peur de l’échec. Pas de découragement non plus.

Pour coudre une robe de haute couture il y’a d’abord une toile qui est faite, la toile nous permet donc de vérifier, modifier et retoucher la robe.

Tout est organisé et programmé avant même de couper la vraie robe. C’est seulement quand la toile ou le prototype est bon que nous décidons de travailler la vraie robe. D’où le risque zéro d’avoir des ratés.

Quant à la fatigue nous ne sommes pas des robots et ils le savent, quand on est fatigué on arrête pour récupérer pendant ce temps un autre collègue peut donner un coup de main pour faire avancer le travail en attendant que la personne en charge du modèle revienne.

Nous sommes complémentaires dans nos ateliers, un modèle ne s’arrête pas parce qu’une collègue est en retard, absente ou malade, la fatigue ne peut donc pas faire rater un modèle. Nous avons normalement 2 jours par semaine mais quand nous avons des délais juste à honorer nous prenons 1 seul jour de repos c’est permis par la loi et dans la mesure du possible.

GLANCE MAGAZINE : Ultime question, Rose BOMBO. Je vous remercie pour cet entretien. Que ressentez-vous en tant que Camerounaise, née et ayant grandi à Edéa dans une famille d’un milieu aisé, mais éloigné du monde de la Haute Couture choisi par vos parents, comme vous l’avez mentionné lors d’une précédente interview avec Glance il y a cinq ans ?

Comment vivez-vous le fait que votre travail, après une formation en modélisme dans une prestigieuse école de couture à Paris et des débuts professionnels au Cameroun, soit désormais acclamé à l’échelle mondiale par des centaines de millions de téléspectateurs ?

À qui et à quoi attribuez-vous cette reconnaissance et ce talent exceptionnel qui font de vous, depuis un certain temps déjà, une fierté pour le Cameroun ?

Par votre biais, Madame Bombo, Glance salue également le Cameroun qui a indéniablement pris part à l’un des événements les plus médiatisés et recherchés.

Rose BOMBO : J’attribue cette reconnaissance au bon Dieu et à la détermination.

Je vous remercie.

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