CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS DU CAMEROUN : ENTRE SOUVERAINETE NATIONALE ET CONFORMITE COMMUNAUTAIRE.
La création de la Caisse des Dépôts et Consignations du Cameroun (CDEC) représente une avancée significative dans la gestion des ressources publiques et privées, contribuant ainsi au financement de l’économie nationale. Cependant, sa mise en œuvre soulève des préoccupations au niveau régional, notamment de la part de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC).
Cet article explore les missions principales de la CDEC, propose un modèle économique inspiré de celui de la Caisse des Dépôts et Consignations de France, et examine les dispositions communautaires que la CDEC doit respecter pour harmoniser ses opérations avec celles des autres États membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) dont le Gabon qui dispose, depuis 2012, une caisse similaire.
- Missions principales de la Caisse des Dépôts et Consignations du Cameroun.
La Caisse des Dépôts et Consignations du Cameroun a été créée pour collecter, sécuriser et rentabiliser sur le long terme les ressources financières, souvent qualifiées de « oisives », provenant de diverses sources. Ces ressources sont destinées à soutenir les politiques publiques, notamment à travers le financement de projets d’infrastructure, le soutien au secteur social, et l’investissement dans le développement durable.
Les principales missions de la CDEC comprennent :
- Collecte et sécurisation des ressources : La CDEC est chargée de recueillir les dépôts réglementés, les consignations administratives, les cautionnements, ainsi que les fonds des Caisses nationales d’épargne et de sécurité sociale, entre autres.
- Rentabilisation des ressources : En tant qu’institution financière, la CDEC a pour mandat de rentabiliser les fonds collectés en les investissant dans des projets à long terme qui soutiennent les objectifs de développement économique du Cameroun.
- Accompagnement des politiques publiques : La CDEC oriente les ressources vers des projets qui favorisent la croissance économique, la réduction de la pauvreté, et le renforcement des infrastructures nationales.
- Proposition d’un modèle économique inspiré de la CDC France.
Le modèle économique de la Caisse des Dépôts et Consignations en France peut servir de référence pour la CDEC. Ce modèle repose sur trois piliers principaux :
- Autofinancement : La CDC en France n’a pas d’actionnaires et finance elle-même l’ensemble de ses activités. Elle exerce ses mandats à prix coûtant, ce qui signifie qu’elle ne réalise aucun bénéfice direct des services qu’elle rend, mais se fait rembourser ses seuls coûts de gestion.
- Investissements à Long Terme : La CDC investit dans des secteurs où le marché privé est peu présent, avec un horizon de rentabilité à moyen ou long terme. Cela inclut le financement de projets d’intérêt général tels que le logement social, le développement durable, et l’infrastructure publique.
- Contribution au budget de l’État : Une partie des résultats de la CDC est reversée à l’État, ce qui contribue au budget national. Cette approche permet d’assurer une solidité financière tout en soutenant des initiatives publiques stratégiques.
En s’inspirant de ce modèle, la CDEC pourrait structurer ses opérations de manière à être financièrement autonome, tout en jouant un rôle clé dans le développement économique du Cameroun. Cela impliquerait la mise en place de mécanismes de financement durable et de rentabilisation des investissements à long terme.
III. Dispositions Communautaires de la COBAC et de la CEMAC.
La CDEC doit également se conformer aux dispositions communautaires régissant les activités bancaires et financières dans la zone CEMAC. Les principales régulations à prendre en compte incluent :
- Réglementation sur la gestion des avoirs en déshérence : La COBAC a exprimé des préoccupations concernant le transfert des avoirs en déshérence vers la CDEC sans un cadre juridique clair. La CDEC doit clarifier les modalités de conservation, de gestion et de restitution de ces avoirs pour se conformer aux normes régionales.
- Cadre réglementaire comptable : Actuellement, il n’existe pas de réglementation spécifique au sein de la CEMAC concernant la gestion des fonds en déshérence. Cependant, la COBAC a initié des travaux pour élaborer un cadre juridique communautaire qui s’appliquera à ces fonds. La CDEC devra aligner ses pratiques sur ces régulations une fois qu’elles seront en place.
- Pistes de réflexion pour l’harmonisation avec la COBAC.
Pour assurer une opérationnalisation harmonieuse, la CDEC pourrait envisager les actions suivantes :
- Engagement dans un dialogue constructif avec la COBAC : Il est crucial que la CDEC engage des discussions avec la COBAC pour clarifier et harmoniser les modalités de transfert des fonds et des valeurs, en respectant les directives communautaires existantes et à venir.
2.Établissement d’un cadre juridique national compatible avec les normes régionales : Le Cameroun pourrait élaborer une législation nationale qui soit en phase avec les normes de la CEMAC et de la COBAC, garantissant ainsi une conformité totale tout en préservant la souveraineté nationale.
3.Renforcement de la gouvernance et de la transparence : La CDEC doit mettre en place des mécanismes de gouvernance rigoureux qui assurent une gestion transparente des fonds, tout en répondant aux exigences de supervision et de contrôle imposées par les régulateurs communautaires.
- Adaptation du modèle économique aux réalités Locales : Tout en s’inspirant du modèle français, la CDEC doit adapter son approche pour répondre aux spécificités du marché camerounais, en tenant compte des défis économiques et des opportunités locales.
La Caisse des Dépôts et Consignations du Cameroun est appelée à jouer un rôle déterminant dans le développement économique du pays. Cependant, pour réussir sa mission, elle doit harmoniser ses pratiques avec les dispositions communautaires de la CEMAC et la COBAC, tout en adoptant un modèle économique solide et autonome. Grâce à un engagement constructif avec les régulateurs régionaux et à une gouvernance transparente, la CDEC peut surmonter les défis actuels et contribuer de manière significative à l’essor économique du Cameroun.
Auteur : @Adrien Macaire Lemdja