POUR UNE PRODUCTION AGROPASTORALE REVISITÉE
Transformer le milieu naturel pour la production cyclique des végétaux et des animaux représente un ensemble d’activités socio-économiques fécondes, à côté des opérations d’approvisionnement en amont et de distribution en aval. Lorsque les conditions sont favorables, elles apportent un épanouissement dans certaines portions de l’espace où la place du bétonnage et de l’urbanisation est marginale.
Parmi les métiers pluriels que compte le secteur agropastoral, il en existe qui sont souvent négligés et, pourtant, susceptibles de réconcilier l’être humain et la fascinante nature, hors des réserves lointaines de biosphère et de faune destinées à la préservation des espèces en voie de disparition (1). En effet, ceux qui souhaitent ardemment cultiver la terre, voire élever les animaux de ferme, peuvent vivre leur passion et en tirer professionnellement avantage.
MÉTIERS CLASSIQUES
Par surcroît, la quête d’une saine alimentation devient de plus en plus une préoccupation agropastorale majeure (2), compte tenu du soucieux respect de l’environnement naturel (3). Dans cette optique, il y a lieu de valoriser les dignes métiers classiques à dénominateur commun, qui sont aussi partagés entre la tradition et la modernité, autour du cycle courant de production des végétaux et des animaux : le paysan, l’agriculteur, le cultivateur, l’agronome et le vétérinaire.
Bien que ces professions varient selon les pays, l’accent est souvent mis sur l’appartenance du paysan à un terroir cultural, à l‘inverse de l’agriculteur pour lequel l’accent est mis sur l’aspect technique. Le cultivateur est un laboureur qui pratique plus longtemps la rotation des polycultures et la régénération des sols dans un domaine limité (4). Acquis à la production agropastorale, les trois métiers peuvent bénéficier des conseils éclairés d’un agronome et d’un vétérinaire.
De fait, l’agronome et le vétérinaire œuvrent dans le cadre des sciences et techniques appliquées à leurs activités respectives. Les autres métiers précités s’en inspirent et gagnent en proximité causale, conservant la terre à valide échelle pour la production des biens alimentaires exempts de substances chimiques nocives. Aussi s’appuient-ils sur d’ancestraux savoir-faire culturaux et pastoraux, enrichissables au fil du temps par des avancées technologiques.
MODES DE PRODUCTION IDOINES
La production intensive a eu des rendements extraordinaires par le passé, mais le modèle semble à bout de souffle (5). En tout cas, ses conséquences sont massives : elle consomme 70 % de l’eau potable mondiale, pollue l’atmosphère avec 25 % des rejets de gaz à effet de serre, contribue à la désertification par la déforestation, érode la précieuse biodiversité par la dégradation de l’écosystème naturel, épuise les sols par l’usage d’engrais chimiques et de pesticides… Dans ce contexte, quels seraient les modes de production idoines ?
Les productions « biologique », « raisonnée » et « durable » s’opposent avec clarté à la production intensive (6), mais leurs performances sont trop faibles pour répondre aux besoins de milliards d’âmes sur la planète (7). À la fois techno-économique et socio-écologique, la production agropastorale revisitée requiert une conjonction d’apports adaptés à chaque environnement et une pédagogie plus active, appuyées par des innovations maîtrisables.
Cette démarche systémique repose sur l’offre d’exploitations à taille humaine, privilégiant l’interaction fondamentale entre la culture des végétaux et l’élevage des animaux, exploitations qui sont inclusives de métiers classiques. Face à une demande croissante, le défi majeur est de pouvoir accroître graduellement la transformation des intrants organiques de substitution en produits alimentaires davantage salubres, tout en préservant la biodiversité mondiale et en limitant le gaspillage effréné des ressources naturelles rares.
Par le Professeur Alain Boutat
Pour MEDIAPART
LUN. 30 DÉC. 2024
Épidémiologiste,
Economiste
Politiste
Lausanne
(1) Boutat A. « Les damnés de la forêt du Dja », Blog Mediapart, 20/11/2020.
(2) Calame M. La révolution agro-écologique : se nourrir demain, Le Seuil, 2023, 107 p.
(3) Doré Th., Dufumier M., Rivière-Weckstein G. Agriculture biologique : espoir ou chimère ?, Le Muscadier, 2019, 126 p.
(4) Chauvel B., Cordeau S., Maron P-A, Sarthou J-P. L’agriculture de conservation des sols, Librairie Quae, 2024, 418 p.
(5) Aubert C., La Spina S. L’agriculture de demain en marche : Comment sortir d’un modèle agroalimentaire à bout de souffle, Libre & Solidaire, 2024, 192 p.
(6) Bourguignon C., Bourguignon L. Manifeste pour une agriculture durable, Actes Sud, 2017, 80 p.
(7) Pousset J. Traité d’agriculture naturelle, Éditions France Agricole, 2022, 546 p.