RELIGION ET SOCIÉTÉ

Le christianisme, comme les autres religions monothéistes séculaires, postule l’appartenance des êtres humains aux créatures de l’Éternel. Et Dieu aurait fixé des règles risquées pour les inciter à vivre ensemble, dans une sorte d’identité collective, tout en laissant à chacun la latitude décisionnelle de respecter ou de bafouer ces règles divines.

Comment vivre alors ensemble en faisant bon marché de la matérialité sociétale ? En réalité, la religion est toujours partie intégrante des dynamiques politico-socio-économiques de l’environnement dans lequel elle est établie. Les questions afférentes à cette matérialité plurielle restent ouvertes et irréductibles à des présomptions faciles.

FORCES ANTAGONISTES

De fait, il coexiste manifestement deux principales forces antagonistes ou contradictoires : un entendement que l’on peut résumer à la ténacité de vouloir placer l’ordre civil sous tutelle religieuse, et une pensée plutôt laïque qui tend à réserver la religion à la sphère strictement privée. Entre ces deux variantes vraisemblablement extrêmes, il y a moult options intermédiaires plus ou moins incisives sur l’échelle de la radicalité.

De manière générale, aucune religion n’est jamais stable ou immuable. Il y a toujours des incréments successifs et évolutifs qui la caractérisent au fil du temps. Aujourd’hui, nul ne sait précisément à quoi ressembleront le christianisme, le judaïsme ou l’islamisme dans cent ans. La religion chrétienne n’était-elle pas triomphante depuis des siècles en Occident, avant de décliner de manière progressive et significative ?

APPROCHE MÉTAPHYSIQUE

Au-delà du christianisme, la religion et la rationalité seraient-elles incompatibles ? C’est une thèse que l’on trouve chez Hume, Comte, Nietzsche, Marx, Freud, Russell ou Searle, reconnaissant aux seules analyses sensées de la réalité́ les démarches des sciences physiques, extensibles sous conditions à celles des sciences humaines et sociales.

Cela signifie-t-il pour autant que la religion soit étrangère au domaine de la rationalité́ plus ou moins mesurable ? Bien au contraire, l’approche métaphysique y demeure vivace. L’apologétique, qui entend montrer l’existence de Dieu, n’a pas succombé. Des penseurs comme Clive Staples Lewis ou Richard Swinburne en témoignent avec un certain brio.

THÉOLOGIE ÉMINEMMENT ACTIVE

Dans la philosophie analytique, depuis des décennies, se développe une théologie éminemment active, qui retrouve les problématiques et les méthodologies de la scolastique. Elle ne semble nullement affectée par les critiques de Hume sur la théologie naturelle, de Kant sur la métaphysique dogmatique ou des adeptes de l’ontothéologie de Heidegger.

Aussi serait-il hardi de penser que la religion, quelle qu’elle soit, est séparable de la société dans ses dimensions politiques, sociales et économiques. Les croyances ne sont pas relatives comme les goûts culinaires ou les couleurs de lumières. Elles ne peuvent être totalement évacuées de la rationalité et de l’espace sociétal où elles ont pris racine !

Par le Professeur Alain Boutat

Épidémiologiste,

Économiste et Politiste

Lausanne

MEDIAPART

27 FÉVR. 2023Alain Boutat

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