MARIE PAULE NIAT, UNE REINE AU SERVICE DE LA COMMUNAUTÉ AFRICAINE

Avec des projets actifs d’expansion au Tchad, au Congo-Brazzaville, au Gabon et à Sao-Tomé et Principe, la Reine-mère a favorisé des partenariats solides dans les secteurs public et privé. Ses efforts ont contribué à promouvoir le libre-échange au sein des pays africains au sud du Sahara. Un accent a été mis sur les secteurs du tourisme, de l’immobilier et de l’agriculture.

Non seulement  Marie-Paule NIAT  est Co-fondatrice de la section camerounaise de l’AWEP (African Women Entrepreneurship Program), dont elle a  été vice-présidente jusqu’en 2023, mais elle  est aussi co-fondatrice et PDG de VATIS TRAVEL INDUS TR Y SERVICES, un réseau pionnier d’agences de voyages indépendantes dans la région de l’Afrique centrale

Elle s’engage avec passion dans la promotion de l’entrepreneuriat et de la formation en gestion des femmes, avec un accent particulier sur l’autonomisation des femmes rurales grâce au mentorat. Grâce à ses capacités exceptionnelles de mentoring et de coaching, elle a guidé de jeunes entrepreneurs vers l’obtention de récompenses en espèces substantielles, et ce, dans le cadre du concours d’entrepreneuriat de Bank of Africa, totalisant 500 000 $.

Son dévouement inébranlable et sa croyance dans l’entrepreneuriat féminin ont également permis à de nombreuses femmes entrepreneures au Cameroun de remporter de prestigieux prix d’entrepreneuriat.

Consciente de l’importance de l’accès des femmes au financement, elle a joué un rôle important dans la création d’un fond d’investissement à impact appelé SAVE.

En plus de ses responsabilités actuelles, Marie-Paule est membre du conseil d’administration de diverses organisations professionnelles et civiques.

Récemment, elle a reçu le titre honorifique de Docteur en philosophie Honoris Causa de la très prestigieuse Jharkand Rai University en Inde.Sa contribution dans le secteur du développement agricole vient ainsi d’être honorée.

1/ Vous appartenez à la royauté camerounaise, quelle est l’apport de celle-ci dans vos activités business ?

En fait je suis une Reine-mère de naissance, selon les us et coutumes Bamiléké dans le royaume Bangangté dans la région de l’Ouest du Cameroun. Et je suis également femme d’un Roi Beti du peuple Eton, dans la région du Centre du Cameroun. Appartenir à une lignée royale est une charge qui oblige non seulement à l’humilité, mais également à accepter toutes les responsabilités qui y sont liées.

De ce fait, cela me pousse à toujours chercher des opportunités d’affaires nouvelles, des partenariats gagnants afin d’en partager autant que faire se peut, les avantages et bénéfices avec les populations de notre village.

2/ Quel lien existe-t-il entre l’agriculture, le tourisme et la technologie ?

Il faudrait que les pays africains puissent avoir une voix à la table où les décisions impactant les peuples de la terre sont prises. Il est plus qu’évident que la seule façon de pousser notre continent vers le développement est d’adopter, d’embrasser et de se tourner résolument vers les nouvelles technologies.

Nous-mêmes africains devrons être développeurs, concepteurs, fabricants et utilisateurs de nos outils et moyens de production de richesse. Développons la recherche scientifique ! Ceci est applicable aussi bien dans le domaine du tourisme qu’à celui de l’agriculture.

L’agriculture de nouvelle génération, l’agriculture qui va permettre à l’Afrique d’atteindre l’autosuffisance alimentaire est une agriculture dans laquelle la technologie doit avoir une place prépondérante dans la mesure où nous devons concevoir nos outils de production de masse.

Nous devons aussi développer les technologies et méthodes de transformation, conservation et d’emballage de nos produits agricoles. Ceci permettrait de réduire les pertes de production, mais également d’augmenter la valeur ajoutée de ces produits. Par conséquent d’augmenter le revenu de nos agriculteurs et fermiers.

La cartographie des plantations par GPS ou encore par drone sont déjà des apports de la technologie à l’agriculture, mais je parle aussi d’outillage, d’engins agricoles, et par cela j’entends de vrais équipements et non les quelques brouettes, pioches, houes et bottes que les « bailleurs de fonds » ou les ONGs occidentaux viennent saupoudrer dans nos pays pour avoir bonne conscience.

Nous devons créer nous-mêmes les produits phytosanitaires écologiques ayant un minimum d’impact destructeur sur nos sols fertiles. Pour ce faire, nous pouvons nous appuyer sur notre flore vibrante et foisonnante.

Voilà autant de technologies qui impacteront positivement notre agriculture. Pour ce qui est du tourisme, nous devons être inventifs et imaginatifs.

 Certes le Cameroun est connu comme étant l’Afrique en miniature, pour ses montagnes, ses plages, ses forêts, sa savane mais le Cameroun est aussi une terre de richesse et de diversité agricole. Il serait donc très pertinent de le faire découvrir à différentes catégories de personnes: les visiteurs étrangers, nos citoyens, nos enfants qui sont de plus en plus éloignés, sinon coupés des campagnes.

En Occident, il y a le concept d’agro-tourisme. Ce sont des familles qui vont visiter les fermes dans les campagnes pour que les enfants se familiarisent avec les produits de la ferme. Ils sont ainsi sensibilisés à la protection de l’environnement, à l’importance de manger bien, bon, et sain en choisissant des produits écologiques, pour ne pas dire bio. Il y a donc tout un pan de nouvelles activités touristiques à développer, en liaison étroite avec l’agriculture et la technologie.

3/ Aujourd’hui, VATIS Travel Indus try Service est considéré comme le réseau pionnier d’agences de voyages indépendantes dans la zone de la Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC), quelles sont vos ambitions à long terme ?

Ne pas nous limiter à la CEMAC, mais nous étendre sur d’autres zones géographiques du continent africain.

4/Quelle interprétation faîtes-vous sur le coût des billets d’avion quelquefois jugé exorbitant pour partir d’un pays africain à un autre ?

Cette question d’une pertinence flagrante, ne prête pas à interprétation, mais appelle plutôt à l’indignation.

En effet, il faut que vos lecteurs comprennent que le prix des billets d’avion n’est pas décidé par les agences de voyages. Les prix des billets d’avions naissent d’une composante assez particulière. Les compagnies aériennes fixent un prix de base, sur lequel les systèmes de distribution ou GDS utilisés pour réserver et émettre les billets d’avions ajoutent leur quote-part. À cela s’ajoute un certain nombre de taxes telles que la taxe sur le fuel, les taxes aéroportuaires pour ne citer que ces 2 cas.

Ce sont tous ces intermédiaires et taxes qui gonflent le prix des billets d’avions et sont en partie responsable du coût élevé des billets.

La cause principale est due au fait que ce sont encore les Européens qui prennent toutes les décisions sur la gestion du secteur aérien en Afrique. Dans la mesure où la concurrence est permise en Europe ou en Amérique sur les espaces aériens. Ceci se manifeste par une pléthore de compagnies aériennes, et donc des prix de billets d’avion bas.

À contrario, en Afrique la création de compagnies aériennes par des Africains est encore très restreinte et contrôlée. Bien des fois, ceux-ci détiennent toutes les qualifications et ressources financières nécessaires pour assurer des opérations de transporteur aérien. Pour quelles raisons me demanderez-vous ? Tout simplement à mon humble avis, par manque de volonté politique. L’aide au développement dans certains pays africains, vient avec son poids d’interdictions de développement de certains autres secteurs qui doivent rester la chasse gardée de quelques puissances (ou personnes) sélectionnées.

Ce phénomène est d’ailleurs l’apanage des pays africains francophones, car au Nigeria, où en Afrique du Sud et même au Kenya, il existe un très grand nombre de compagnies aériennes locales qui desservent l’intérieur du pays et les pays limitrophes, à des prix tout à fait abordables pour des personnes appartenant à la classe moyenne. Comment devons-nous donc interpréter cette situation de coûts exorbitants particulière en Afrique francophone ? Chacun pourra se faire sa propre opinion.

Quant aux agences de voyages, elles ne sont que des distributeurs des produits des compagnies aériennes. Certaines d’entre elles, notamment les agences indiennes contrôlent bien plus de 50% du marché de la billetterie en Afrique. Elles ont réussi à trouver une formule par laquelle elles génèrent des revenus immenses par l’usage de stratégies quelquefois interdites par les lois. C’est ainsi qu’elles arrivent à tirer leur épingle du jeu au détriment d’agences opérées par les locaux. Sans volonté politique de protéger et privilégier les opérateurs nationaux, il n’est pas vraiment possible non plus de garantir des prix de voyage bas.

Chez nous en Afrique francophone particulièrement, voyager en avion reste encore un luxe.

5/ Vous êtes très engagée dans le mentorat des femmes rurales, pourriez-vous nous partager des anecdotes à ce sujet ?

Au sein de l’AWEP (African Women Entrepreneurship Program) Came roon, nous avons défini comme l’un de nos objectifs de rester focaliser sur le soutien à la femme rurale.

Ainsi, nous avons développé et implémenté grâce à un financement du Sénat américain, un projet dans les régions de l’Adamaoua, du Nord, et de l’Extrême Nord du Cameroun. Celui-ci consistait à créer des fermes d’élevages de petits ruminants (moutons et chèvres). Ce programme a impacté 90 femmes sur l’ensemble des 3 régions, et leur a donné les outils nécessaires pour financer l’achat des bêtes, apprendre à s’occuper de ces bêtes (la traite pour le lait, l’abattage pour la chair, les soins vétérinaires, le vêlage etc.).

Aussi, elles ont appris la gestion, la planification, et le marketing, toutes notions nécessaires au bon fonctionnement des entreprises agricoles créées. Le succès de ce programme m’a convaincue de la nécessité d’encadrer nos agricultrices des zones rurales qui sont instinctivement de véritables entrepreneures. Elles comprennent très vite l’intérêt et l’apport de la technologie dans l’amélioration de leurs conditions de vie.

J’encadre aussi des femmes rurales dans le département de la Lékié dans le Centre du Cameroun. Pour celles-ci, la découverte de l’appli cation Youtube a été une ouverture d’esprit incroyable. En effet, malgré l’accès souvent très limité à l’Internet en zone rurale, elles réussissent à se réunir chez l’une d’entre elles. Puis, elles visionnent des tutoriels pour leur apprendre à améliorer la rentabilité de leur production.

Par exemple :

  • Comment faire pour développer une pépinière pour un produit particulier
  • Comment faire pour traiter des sols jugés difficile de façon biologique.

Ces tutoriels sont postés par des agriculteurs en Indonésie, en Inde, au Brésil, et le langage n’est pas une barrière, disent-elles. En fait, elles se contentent de voir les images de ces tutoriels techniques qui leur montrent comment procéder. Ainsi, l’application YouTube est devenue un outil pédagogique d’importance pour ces femmes.

6/Parlez-nous du fonds d’investissement Save. Comment en être bénéficiaire ? Quels sont les pays concernés par ce fonds d’investissement ?

« SAVE » Support to African Vulnerable Entrepreneurs est un fond d’investissement d’impact socialement responsable. Il est dédié aux femmes porteuses de projets mais qui n’ont ni capital, ni garantie pour lever du financement au stade initial.

À date d’aujourd’hui, ce profil correspond à 99% des demandes de porteuses de projet au sein d’AWEP Cameroun.

Le principe de fonctionnement de ce fonds d’impact est basé sur 4 piliers qui sont :

  • la sélection des projets au travers du concours AWEP Awards selon des critères spécifiques tels que la pertinence et la rentabilité économique du projet, l’impact social. L’impact environnemental pour ne citer que ceux-là.
  • l’accompagnement des femmes entrepreneures sélectionnées à travers des formations, dont certains donnant accès à des certifications garantissant une bonne compréhension du parcours entrepreneurial, suivi par la présentation d’un projet bancable.
  • le financement des projets par la prise de participation ou par des prêts
  • le suivi des projets par un pool d’experts s’assurant que le projet atteint les objectifs visés et que les prêts soient remboursés en temps et en heure.

Pour le moment, le fonds SAVE était focalisé sur les entrepreneures camerounaises. Actuellement, nous travaillons à la mise en place de ce fonds dans toute l’Afrique Centrale. Puis, pourquoi pas l’étendre sur l’ensemble des pays ou AWEP est représentée.

Nous comptons par exemple déjà étendre le processus de sélection des projets hors des frontières camerounaises et rendre le concours de l’AWEP Award accessible aux femmes des pays de la CEMAC

7/ Votre mot de la fin.

L’aventure entrepreneuriale est un engagement de longue haleine requérant patience, endurance, persévérance et surtout beaucoup de passion.

Certains s’y préparent à travers leurs études, mais je pense que pour la plupart, être entrepreneur est un état d’esprit que l’on porte en soi. La majorité des femmes sont des entrepreneures nées, du simple fait d’être femme.

En effet, particulièrement dans nos foyers africains, c’est à la femme que revient la responsabilité de la gestion de l’argent de la maison. Elle fait les courses, elle paye les factures, elle fait le ménage, la cuisine, prépare les enfants pour l’école, et s’occupe de son mari.

Toutes ces choses impliquent une parfaite gestion non seulement de l’argent, mais également du temps et des émotions.

Argent, temps, émotions, notions toutes très familières aux entrepreneurs les plus aguerris.

Propos recueillis par Edna-Chelsea Babongui

Pour LIONESS LE MAGAZINE DES REINES No 007

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