CITOYENNETE : LA DIASPORA CAMEROUNAISE CONSTITUE-T-ELLE UNE MENACE ?

Alors que de nombreux pays africains comptent sur leur diaspora pour impulser le développement, certains pays comme le Cameroun s’en méfient plutôt. Une diaspora camerounaise riche d’hommes et femmes très dynamiques qui constituent l’épine dorsale des entreprises des pays industrialisés dans les secteurs des technologies de l’information et de la communication (TIC), de la médecine de pointe ou de la recherche pharmaceutique et technique.

Nombre d’entre eux ont opté pour une double nationalité afin de mieux s’intégrer à l’étranger. La question de la double-nationalité sonne comme un tabou à Yaoundé alors que le pays bat de l’aile sur les plans social, politique et économique.

Selon les chiffres publiés en 2017 par l’African Institute for Remittances (AIR), les Africains de la diaspora ont transféré plus de 65 milliards de Dollars US vers leurs pays d’origine, soit plus du double de l’aide publique au développement, reçue la même année. Une somme importante qui jusqu’ici sert surtout à la consommation des familles et à des investissements individuels dans les pays d’origine.

L’exemple du Ghana

Le pays de Kwame Nkruma a créé un fonds de la diaspora sur lequel il compte énormément. Une initiative appliquée dans plusieurs pays d’Afrique, à l’instar du Rwanda ou de l’Éthiopie. Ces deux pays ont créé depuis plusieurs années des institutions dédiées aux fonds de la diaspora et promeuvent les « diaspora bonds », des emprunts ciblant ses membres… Dans certains pays, ils dépassent même largement l’aide internationale au développement, malgré leurs coûts exorbitants.

« Chaque diaspora a des spécificités qu’il faut identifier pour pouvoir créer un lien productif entre elle et son pays d’origine », avait indiqué Chukwu-Emeka Chikezie, Directeur exécutif de la Fondation africaine pour le développement, qui réunit des professionnels africains vivant au Royaume-Uni. « La grande difficulté que rencontrent les professionnels africains installés en Europe et Amérique du Nord vient d’abord de l’absence de structures de contact qui leur permettraient d’entretenir un dialogue avec les autorités de leurs pays d’origine », a appuyé Chukwu-Emeka.

Frilosité

Au Cameroun, la question de la double nationalité sonne comme une provocation. Une folle rumeur a enflé l’année dernière à la session de juin à l’Assemblée nationale. Certains observateurs avaient vu dans la sortie du député PCRN Cabrai Libii qui évoquait un avant-projet de loi portant Code des personnes et de la famille encore en étude par le gouvernement une sortie de tunnel pour les double-nationalités.

Dans ledit projet à l’article 81 il est stipulé que « Tout Camerounais justifiant d’une autre nationalité conserve la nationalité camerounaise, sauf répudiation de celle-ci ». Pour l’heure, il n’en est rien. Le Code de la nationalité, datant du 11 juin 1968, prévoit qu’un citoyen camerounais qui obtient la citoyenneté d’un autre pays perd automatiquement sa nationalité originelle. Cette loi stipule que lorsque- l’on perd la nationalité camerounaise, la réintégration, doit être sanctionnée par décret,

Richesses thésaurisées

De quoi a peur le gouvernement camerounais, alors que la diaspora constitue un levier important du développement des pays d’origine ? « Le membre de la diaspora qui veut investir ou se réinstaller dans son pays d’origine ne doit pas être perçu comme une menace, ce que l’on a trop souvent constaté dans certains pays parce que le dialogue qui aurait permis aux différentes parties de se connaître et de s’entendre n’existe pas ». La plupart des pays africains qui sortent la tête de l’eau, sont ceux qui ont opté pour les doubles nationalités et surtout qui ont encadré les rapports avec leurs ressortissants à l’étranger.

Selon la Banque mondiale, près de 120 millions d’Africains ont reçu 60 milliards $US en 2014. Des fonds qui, selon L’Agence d’information d’Afrique centrale ADIAC), « financent la consommation à 54,60%, l’investissement immobilier. 15,8%, d’autres investissements 5,5%, la santé 3,4%, l’éducation- 6,4% et autres 8,7%»…

Ces statistiques pourraient s’améliorer si les- gouvernements des pays africains encore à la traine, intégraient leur diaspora dans leur stratégie de développement tant leur apport pourrait être subséquent.

Actucameroun.com

Source : L’Etendard N°52

16 Fév 2021

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