CAMEROUN : POURQUOI LA JEUNESSE CAMEROUNAISE EST-ELLE LE MOTEUR OUBLIE DU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ?
Le chômage des jeunes au Cameroun est un enjeu majeur qui exige des solutions concrètes et durables. Pour y remédier, une politique industrielle bien structurée pourrait stimuler la création d’emplois en exploitant les ressources naturelles locales et en développant des secteurs porteurs tels que l’agriculture, les nouvelles technologies, les industries de transformation etc…
La mise en place d’une formation professionnelle ciblée et alignée sur les besoins des entreprises est essentielle pour doter les jeunes des compétences nécessaires. Parallèlement, promouvoir l’entrepreneuriat grâce à des programmes de soutien financier et technique peut encourager la création de nouvelles opportunités économiques.
Enfin, investir dans les infrastructures économiques, notamment les routes, le chemin de fer, les ports et le numérique, renforcera l’attractivité du Cameroun et facilitera l’intégration des jeunes dans le tissu économique. »
Introduction.
Le Cameroun, souvent qualifié d’« Afrique en miniature », est un pays doté d’une richesse naturelle diversifiée et d’une population dynamique, dont plus de 60 % a moins de 25 ans. Cependant, cette jeunesse se trouve en proie à des difficultés croissantes pour trouver des emplois décents.
Selon l’Institut National de la Statistique (INS), près de 70 % des emplois sont dans le secteur informel, avec des salaires très faibles et aucune sécurité sociale. Les jeunes, qui représentent une proportion importante de la population active, sont les principales victimes de cette situation.
« Je suis diplômé en sciences économiques depuis cinq ans, mais je travaille comme mototaximan pour survivre », confie Jean-Marc Essousse, 28 ans, un jeune de Douala.
Ce témoignage illustre l’écart entre les aspirations académiques et les réalités du marché de l’emploi.
Ce paradoxe, où la richesse des ressources contraste avec la précarité économique, suscite des questions cruciales :
Quelles en sont les causes profondes ?
Quelles solutions concrètes peuvent être mises en place pour inverser cette tendance et offrir des opportunités à la jeunesse camerounaise ?
Analyse des causes et blocages.
- Blocages économiques.
- Dépendance au secteur primaire : L’agriculture emploie environ 53 % de la population active, mais sa contribution au PIB reste faible (à peine 20 % selon la Banque Mondiale). Cette faible productivité limite la création de richesse et donc les opportunités d’emplois bien rémunérés. « Nous travaillons dur, mais les prix des produits agricoles sont si bas que nous ne pouvons pas embaucher de main-d’œuvre supplémentaire », explique M. Kenfack, exploitant agricole à Dschang.
- Faible diversification industrielle : Malgré des projets comme le port en eaux profondes de Kribi, l’industrialisation reste embryonnaire. Le secteur secondaire ne contribue qu’à environ 30 % du PIB et offre peu d’emplois, concentrés dans les grandes villes. Les industries locales manquent de compétences techniques pour prospérer, et beaucoup d’équipements sont importés.
- Climat des affaires défavorable : Le Cameroun occupe la 167e place sur 190 pays dans le rapport Doing Business 2020 de la Banque Mondiale. Les investisseurs pointent des problèmes tels que la corruption (50 % des entreprises en dénoncent l’impact), la lourdeur administrative, et l’instabilité fiscale.
- Problèmes institutionnels.
- Mauvaise gouvernance : La gestion opaque des ressources naturelles, notamment du pétrole, se traduit par une faible redistribution des richesses. Le Cameroun gagne environ 20 % de ses recettes publiques du secteur extractif, mais ces revenus bénéficient peu aux projets créateurs d’emplois.
- Absence de planification à long terme : Les grands projets structurants, tels que les barrages de Lom Pangar et Nachtigal, manquent de stratégies pour intégrer les jeunes dans leur mise en œuvre. « Pourquoi recruter des étrangers alors que nous avons des jeunes qualifiés ici ? », se demande Albert Atangana, un jeune ingénieur électricien sans emploi à Yaoundé.
- Problèmes éducatifs et de formation.
- Inadéquation formation-emploi : Un rapport de l’UNESCO montre que plus de 40 % des diplômés camerounais travaillent dans des secteurs sans rapport avec leur formation. Les jeunes formés aux sciences sociales et humaines se heurtent à un marché du travail orienté vers les compétences techniques.
- Manque d’écoles professionnelles : Seulement 15 % des jeunes accèdent à des formations techniques et professionnelles, insuffisantes pour combler les besoins du marché. « Nous avons besoin de plus d’écoles de formation dans les régions rurales », déclare un expert du secteur de l’éducation.
- Facteurs sociaux.
- Migration et fuite des cerveaux : Selon l’INS, plus de 100 000 Camerounais ont émigré ces cinq dernières années, majoritairement vers l’Europe et l’Amérique du Nord. « Il n’y a pas d’avenir ici. Nous partons pour chercher un emploi digne », explique une jeune ayant récemment quitté Douala pour le Canada.
- Précarisation sociale : Avec un taux de pauvreté de 37 %, de nombreux jeunes entrepreneurs n’ont pas accès au financement. Les banques exigent des garanties impossibles pour eux.
Évaluation des mesures existantes.
- Programmes éducatifs et de formation professionnelle.
Malgré des initiatives comme le Fonds National de l’Emploi (FNE), les résultats sont limités. Selon l’INS, seuls 20 % des jeunes formés au FNE trouvent un emploi durable. « Nous avons besoin d’une formation qui répond aux besoins locaux », affirme une jeune femme formée en gestion administrative.
- Projets structurants.
Les projets comme le port de Kribi et les barrages ont créé moins de 10 000 emplois permanents sur les 200 000 promis. Une grande partie des postes techniques ont été occupés par des expatriés.
- Initiatives pour les PME et startups.
Bien que des incubateurs existent, le financement reste un goulot d’étranglement. Selon une étude de la GIZ, moins de 5 % des startups camerounaises survivent après deux ans d’activité.
Propositions de solutions.
- Repenser l’économie nationale.
- Développer une politique industrielle : L’établissement de zones économiques spéciales (ZES) peut stimuler l’industrialisation.
Ces zones doivent être soutenues par des politiques fiscales attractives pour attirer les investisseurs. Un exemple réussi est celui de l’Éthiopie avec son parc industriel d’Hawassa, qui a créé plus de 30 000 emplois directs en cinq ans. Au Cameroun, une ZES axée sur la transformation du cacao et du café pourrait créer des milliers d’emplois.
- Encourager l’entrepreneuriat : Mettre en place un fonds de garantie pour soutenir les jeunes entrepreneurs. Les banques pourraient être incitées à financer des startups grâce à des partenariats public-privé notamment par le biais de lignes de crédit octroyées par l’Etat aux banques ou par la mise en place d’un fonds de garantie hypothécaire.
Le Kenya, par exemple, a réussi à financer des milliers de startups technologiques à travers son fonds « Youth Enterprise Development Fund ». La CDC (Caisse des dépôts et consignations) pourrait être mise à contribution pour financer des projets à forte valeur ajoutée et créateurs d’emplois. De même la CNPS assise sur un matelas de ressources financières pourrait, à travers un fonds souverain, soutenir l’entreprenariat dans notre pays.
- Réformer le système éducatif.
- Adapter les curriculums : Les curriculums doivent être alignés sur les besoins du marché. Intégrer les compétences numériques et entrepreneuriales dans l’enseignement secondaire et supérieur. Des pays comme le Rwanda ont déjà fait des progrès significatifs dans ce domaine.
- Multiplier les écoles techniques : Créer des centres de formation professionnelle dans chaque région, en tenant compte des besoins locaux. Par exemple, les régions forestières pourraient bénéficier de formations axées sur la transformation du bois. Tirer parti des programmes indiens et chinois pour former une main-d’œuvre qualifiée.
- Améliorer le climat des affaires.
- Simplifier les procédures administratives : La création d’une entreprise au Cameroun prend actuellement 14 jours en moyenne. Réduire ce délai à moins d’une semaine, comme au Rwanda, pourrait encourager davantage de jeunes à entreprendre.
- Renforcer l’état de droit : Des mécanismes de lutte contre la corruption, comme des tribunaux spécialisés dans les affaires économiques, sont essentiels pour restaurer la confiance des investisseurs.
- Renforcer les infrastructures.
- Transport : Construire des routes rurales pour relier les zones de production agricole aux marchés urbains. Selon une étude de la Banque Africaine de Développement (BAD), chaque kilomètre de route rurale peut réduire les coûts de transport de 20 % et augmenter les revenus agricoles de 15 %.
L’exploitation de nos gisements de fer couplée avec l’érection d’une industrie sidérurgique et métallurgique indispensable à la réalisation d’un réseau dense de chemins de fer sur le territoire, provoquerait un bon en avant à notre économie nationale. Ce n’est pas l’ingénieur financier Babissakana qui me démentirait.
- Numérique : Accélérer le déploiement de la fibre optique et réduire les coûts d’accès à Internet. Le Maroc a réussi à augmenter ses emplois dans les TIC de 30 % en cinq ans grâce à une stratégie nationale axée sur la numérisation. Collaborer avec des acteurs comme Huawei pour développer des infrastructures numériques robustes et obtenir des transferts de technologie.
Conclusion.
L’avenir du Cameroun dépend de sa capacité à transformer son potentiel en opportunités réelles pour sa jeunesse. Cela nécessite des réformes profondes et une volonté politique forte.
Le gouvernement, les investisseurs et la société civile doivent travailler ensemble pour faire du Cameroun un modèle de croissance inclusive.
« Nous avons besoin de leaders qui comprennent nos réalités et qui agissent maintenant », conclut un jeune militant pour l’emploi.
Les décideurs doivent, par conséquent, agir avec urgence pour créer une économie inclusive, dynamique et résiliente, capable de fournir des emplois décents et de redonner espoir à une génération en quête d’avenir.
Le moment d’agir est maintenant, pour éviter que ce potentiel immense ne soit éternellement gaspillé.
@Adrien Macaire Lemdja